Je lis. Beaucoup. Quand je n’écris pas, quand je ne roule pas à vélo. Quand je ne m’attache pas non plus à décortiquer ce qu’ont écrit ceux de ma tribu : rendre la
monnaie de leur pièce aux amis, fait partie du jeu. Ne pas s’y atteler avec autant de conscience, de minutie et d’enthousiasme qu’eux, taperait la honte au miroir du matin.
Popularisée par Jean-Paul Belmondo dans « Le Magnifique », l’image de l’écrivain solitaire, aux prises tant avec une feuille blanche qu’avec le bruit de l’aspirateur de
sa femme de ménage, est amusante. Mais elle ne correspond pas à grand-chose, du moins pour ce qui me concerne : j’ai besoin de lire ce que font les autres, j’ai besoin aussi
que l’on me lise, que l’on me critique, que l’on vienne de temps en temps donner quelques coups de pied salutaires dans la fourmilière de mes certitudes. De mon point de vue, la
pire expérience de solitude pour un écrivain, peut être résumée en quelques mots :
– Ah, oui, ton bouquin… Terrible, vraiment super, j’ai adoré !
– Merci. Mais au-delà de notre amitié, sincèrement ?
– Formidable, ainsi que je le disais encore ce matin à ma compagne en mettant mes chaussettes.
Alors que je viens moi-même de noter quelque chose de bien craignos dans le synopsis et qu’entretemps, j’ai réécrit des passages entiers dont le style m’avait fait grimper au
mur… En vouloir à ces amis un peu trop influencés par le « never say no » des Anglais ? La vie est trop courte pour s’encombrer du fiel des haines
vengeresses, qu’aillent en paix ceux qui, à la découverte d’un récit certes probablement perfectible, préfèrent une série débile ou un match de bas de classement, amen.